La curieuse proposition de loi visant "à financer la rénovation des casernes en activité dégradées des ministères de la Défense et de l'Intérieur par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru)", de François de Mazières, député LR des Yvelines, et Serge Grouard, député LR du Loiret, a été rejetée jeudi 3 décembre en séance. Le texte avait connu le même sort la semaine précédente, le 25 novembre, en commission des affaires économiques.
Malgré cela, cette proposition de loi a permis de poser le sujet sur la table. Pour le député PS François Pupponi, par ailleurs président de l'Anru, elle "a du sens". Pour son collègue Daniel Goldberg, elle "semble davantage s'inscrire dans une démarche d'interpellation".
"Cette proposition met le doigt sur un sujet d'importance, mais n'apporte pas la solution opérationnelle adaptée", a tranché Patrick Kanner en séance, pour justifier l'avis défavorable du gouvernement.
Le ministre de la Ville avait tenu au début de son intervention à assurer que le sujet est "très important aux yeux du gouvernement" et que "les conditions de vie et, plus particulièrement, de logement de nos gendarmes et de nos militaires doivent être dignes de l'engagement sans faille dont ils témoignent jour après jour, particulièrement en cette période si difficile pour notre pays".
Ceci étant dit, Patrick Kanner a rappelé que le financement du programme de rénovation urbaine piloté par l'Anru "repose quasi exclusivement, depuis 2009, sur Action Logement, dont la première mission est le logement des salariés des entreprises privées, notamment celles qui cotisent au fameux 1% logement". Dès lors, "si l'Anru devait intervenir pour financer la rénovation des casernes, il y a fort à craindre qu'Action Logement serait amenée à revoir ses conditions de financement de l'agence", a-t-il indiqué. Et de conclure : "Ce serait légitime, mais particulièrement préjudiciable. Nous risquons donc de susciter un véritable conflit avec nos amis d'Action Logement, qui serait difficilement surmontable."
Patrick Kanner est toutefois ouvert à la réhabilitation des casernes lorsque celles-ci sont situées dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ou à proximité, ainsi que l'avait ajouté François de Mazières, par voie d'amendement. Le ministre a cité la rénovation en cours de la caserne de Melun, où "une vente de foncier est envisagée dans l'enceinte de la caserne pour permettre la réalisation de projets compatibles avec le programme de renouvellement urbain voisin et le financement des travaux de la caserne elle-même". Et cela, sans avoir "eu besoin de passer par la loi".
François Pupponi n'y "voit pas de difficulté" et y voit même pour "avantage" une "fidélisation des gendarmes et des militaires dans ces quartiers, ce qui permettrait à la fois de sécuriser ces zones et d'y assurer une mixité sociale".
Le ministre a également annoncé qu'une convention cadre de partenariat entre les ministères de l'Intérieur, du Logement et de la Ville, relative au logement des militaires de la gendarmerie et de leurs familles était en préparation "dans le périmètre de mon action". "Son objectif est de conforter l'action engagée par le ministère de l'intérieur dans le cadre du plan d'urgence immobilière en favorisant l'émergence de projets d'amélioration des conditions d'habitat", a-t-il précisé.
Pour les quartiers qui ne sont pas situés en zone Anru - et qui constituent la majorité du parc - "une hausse des crédits budgétaires des ministères de l'Intérieur et de la Défense serait la solution la plus simple et la plus efficace pour assurer leur réhabilitation", est bien conscient François de Mazières, tout comme il est conscient qu'il n'y en aura pas... C'est pourquoi il avait préparé un argumentaire en trois points démontrant la pertinence de désigner l'Anru comme opérateur.
Un, "les ensembles immobiliers sur lesquels l'Anru est intervenue au titre du programme national de rénovation urbaine ont des caractéristiques très similaires à celles des casernes domaniales de la gendarmerie nationale et des armées", dans la mesure où "la plupart des casernes dégradées ont été construites dans les années 1960 et 1970 et n'ont fait l'objet d'aucune rénovation depuis".
Deux, "ce ne serait pas la première fois que l'Anru interviendrait en dehors des quartiers de la politique de la ville". Et de citer les trois programmes issus des programmes d'investissement d'avenir de première et deuxième générations (PIA 1 et 2) : internats de la réussite (pour lesquels l'Anru s'est vu confier 490 millions d'euros de subventions de l'Etat) ; du programme "Développement de la culture scientifique et technique" (100 millions d'euros) ; et du programme "Projets innovants en faveur de la jeunesse" (84 millions d'euros). Cela avait d'ailleurs gêné la Cour des comptes dans son rapport de l'été 2014 (voir notre du 24 juillet 2014).
Trois, l'accompagnement de l'Anru permettrait de sécuriser des fonds dédiés à la réhabilitation des casernes.
"En dehors des cas qui pourraient entrer dans le cadre du NPNRU, nous pouvons imaginer une solution législative ou non, puisque l'Anru porte le PIA", avait proposé François Pupponi en commission. Il était alors ouvert à ce qu'une réunion de la direction générale de l'Anru se tienne "prochainement" pour "déterminer la liste des casernes qui pourraient être concernées par ces programmes, afin de régler rapidement certaines situations".
"Je souscris pleinement à la volonté du président de l'Anru, François Pupponi, de convoquer rapidement une réunion pour déterminer la liste des casernes qui pourraient être concernées par ces programmes, afin de régler rapidement certaines situations particulièrement urgentes", a déclaré Patrick Kanner en séance. Selon le ministre, "il est nécessaire de procéder à une analyse fine, dossier par dossier, dans la subsidiarité, afin de définir au mieux les modalités d'interventions possibles et souhaitables".
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