La crise économique touche toutes les entreprises, y compris les entreprises publiques locales (EPL). Mais la structure de ces entreprises, un peu particulières, leur donne un rôle supplémentaire à jouer en temps de crise. Sociétés anonymes régies pour l'essentiel par le Code de commerce, leur capital est majoritairement détenu par une ou plusieurs collectivités territoriales. Elles interviennent dans le cadre des compétences des collectivités et se voient confier la réalisation ou la gestion de multiples missions et services d'intérêt général, comme la construction et la gestion de logements, le développement économique, la promotion et l'animation touristique ou encore le stationnement et le déplacement. En 2008, on comptait 1.094 EPL en activité en France, selon le dernier bilan réalisé par la Fédération des EPL (FedEPL). Un chiffre en recul de 1,4% par rapport à 2007, mais compensé par une hausse de 8,7% en un an de leur chiffre d'affaires global, estimé à 10,3 milliards d'euros. "L'impact de la crise sur leurs activités est différent selon leurs secteurs qui sont très divers, explique Maxim Peter, directeur général de la Fédération des EPL. Certains secteurs, comme celui des services, souffrent particulièrement des effets de la crise, d'autres, comme le logement ou l'aménagement, ne sont pas fortement impactés par la conjoncture économique." D'après le directeur général de la Fédération, le logement joue à l'inverse un "rôle contra-cyclique" et garde donc une tendance positive mais "la crise fragilise les populations modestes, et cela aura des répercussions sur ces personnes qui sont logées par nos entreprises". Autre problème auquel ces entreprises sont confrontées, tout comme les autres : la difficulté d'accès au crédit. "Sur ce point, il y a deux schémas : les EPL qui sont fortement adossées à leur collectivité locale et qui ne sont donc pas vraiment atteintes par la crise, et celles qui reposent sur de nombreux contrats et commandes issus de plusieurs collectivités et qui sont plus sensibles au retournement de conjoncture." Mais si la crise ralentit leur activité, ou la rend plus difficile à mener, du fait de capitaux revus à la baisse, elle les incite aussi à innover.
La crise, facteur d'innovation
"Ce qu'on observe c'est que la crise conduit les EPL et leurs partenaires (entreprises, banques, collectivités) à rechercher de nouveaux produits et de nouveaux montages dans l'ingénierie de projets, c'est une chose très positive", explique Maxim Peter. Pour la société d'économie mixte (Sem) Pays-de-la-Loire, ce principe se traduit par la création d'une SPLA (société publique locale d'aménagement), aux côtés de la Sem, pour lancer de grosses opérations de construction de centres de formation et de recherche, dont la région est maître d'ouvrage. "C'est un accélérateur d'investissement, la SPLA permet de lancer plus rapidement des chantiers : la mise en oeuvre des opérations est prévue pour juillet 2009 alors que la décision date du 15 mai seulement !", détaille Alain Breysse, directeur délégué général de la Sem régionale des Pays-de-la-Loire. Cette nouvelle forme d'entreprise publique, la SPLA, a été créée en 2006. Contrairement aux EPL, qui gardent une partie d'investissement privé, leur capital est totalement public et, principal avantage, elles ne sont pas soumises à la concurrence. Autre développement mené par la Sem Pays-de-la-Loire en ces temps de crise : une recapitalisation, dans l'objectif de créer une filiale sous forme de société par actions simplifiée (SAS) pour porter l'immobilier d'entreprise. "Ces opérations renforcent notre rôle d'outil opérationnel, assure Alain Breysse. Finalement, la crise renforce notre charge de travail car nous avons un rôle d'appui à l'innovation, une composante qu'il faut continuer à soutenir en période de crise." Enfin, la Sem Pays-de-la-Loire développe de nouveaux modes de développement, comme les plateformes régionales d'innovation. Le principe consiste à regrouper au niveau régional le monde de l'entreprise, de la formation et de la recherche, y compris les lycées, pour les aider à travailler ensemble sur l'innovation. "Il s'agit du même principe que les pôles de compétitivité, mais à une autre échelle, et avec un objectif, non pas d'excellence scientifique comme les pôles, mais de développement économique." Au-delà de ces innovations lancées au cas par cas par les EPL, la Fédération des EPL tente de promouvoir d'autres formes de gestion, qui permettraient d'élargir la palette d'activités de ces entreprises. Le Sénat vient d'adopter en première lecture une proposition de loi, déposée début mars 2009 par Daniel Raoul, sénateur de Maine-et-Loire, dont l'objectif est de doter les collectivités d'un nouvel outil juridique d'intervention, complémentaire des Sem. Un outil qui permettrait aux collectivités locales de déroger aux principes de mise en concurrence, tout en respectant le droit communautaire. Jusque-là ces SPL, sociétés publiques locales, ne pouvaient intervenir que dans le domaine de l'aménagement. L'idée serait de leur permettre d'exercer d'autres activités. "Les SPL permettent aux collectivités d'aller beaucoup plus vite entre le moment où la société est créée et le moment où le travail est livré, explique Maxim Peter. Il y a une véritable économie sur cette complexité administrative." Et la proposition de loi devrait faire son chemin, pour arriver prochainement à l'Assemblée nationale.
"Plus on aura de souplesse, mieux ce sera"
"A l'opposé, on pense que les Sem doivent être des outils de partenariat entre le public et le privé car elles sont bien moins complexes que les contrats de partenariat", précise le directeur général de la Fédération des EPL. Dans ce sens, la fédération cherche à faire expérimenter d'autres formes de Sem, à l'image de ce qui se fait en Europe, en Suède et en Allemagne notamment. Des "Sem contrat" où existe un véritable partenariat public/privé, avec le secteur privé qui exerce la mission et la collectivité qui contrôle, explique Maxim Peter. Avec ces Sem contrat, les collectivités pourraient, à l'issue d'une seule mise en concurrence globale, à la fois assurer l'attribution d'une mission à une Sem, choisir les actionnaires de cette Sem et leur confier une mission opérationnelle. Le principe revient à mettre en concurrence les entreprises privées qui souhaitent devenir actionnaires des Sem et permet d'éviter une mise en concurrence de ces dernières lors de l'octroi de leurs contrats, tout en garantissant aux entreprises privées un rôle opérationnel dans la Sem. Mais la formule est pour le moment inédite en France, même si la Commission européenne dans une communication du 5 février 2008 a considéré que, dans le cadre d'un partenariat public-privé institutionnalisé (PPPI), les partenaires privés pouvaient être sélectionnés dans le cadre d'une procédure transparente et concurrentielle dès lors qu'ils sont appelés à jouer un rôle opérationnel significatif dans la mission du PPPI... "Ce qui est important, précise encore Maxim Peter, c'est que les élus aient tous les outils à leur disposition et qu'ils puissent choisir en fonction de leurs besoins." Même avis pour Alain Breysse. "Plus on aura de souplesse, mieux ça vaudra, surtout en période de crise", assure-t-il. Et si la crise permet aux EPL de se développer et de trouver d'autres façons de fonctionner, elle met aussi en avant leur éthique. "Les EPL incarnent un mode porteur de valeurs qui correspondent aux attentes actuelles de la société, explique Maxim Peter. Elles prennent en compte la durée des projets, à dix, quinze ou vingt ans, et donnent confiance." Un gage de pérennité pour ces sociétés un peu particulières.
Emilie Zapalski
Nantes accueillera, les 7 et 8 octobre 2009, le deuxième Congrès des entreprises publiques locales. Il aura pour thème "Face à la crise : les entreprises publiques locales, des entreprises citoyennes et durables". 2.500 élus locaux, dirigeants et partenaires des Sem et des sociétés publiques locales sont attendus.
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFoo56rXZq7tb7Eqamiq5WoerHBwaWgqq2VqHqtu8Kao56rXZmytHnAraaurKNis6KvxGajmmWTp7a0sQ%3D%3D