les dpartements toujours plus prsents


L'Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil) publie un rapport très riche intitulé "Les politiques du logement des départements depuis la loi Libertés et Responsabilités locales". A partir de documents provenant de sources variées (ministères de l'Intérieur et du Logement, Anah, Anru, Adil, etc.) et en interrogeant une vingtaine de service habitat des conseils généraux, Béatrice Herbert propose une analyse précieuse d'une politique jusqu'alors mal connue. Et constate un renforcement très net, entre 2005 et 2008, de l'intervention des départements dans le domaine du logement. Avec, cependant, des efforts budgétaires et des domaines d'intervention différents suivant les caractéristiques des marchés locaux et les choix politiques.

Pas d'obligation à intervenir, mais des incitations fortes 

En matière de logement, les départements ont deux obligations principales : depuis la loi Besson du 31 mai 1990, ils doivent élaborer un plan départemental pour le logement des plus défavorisés (PDALPD). Plus récemment, la loi Engagement national pour le logement (ENL) de 2005 leur impose de disposer d'un plan départemental de l'habitat (PDH), qui doit articuler les politiques menées au niveau local et la politique sociale départementale.
Pourtant, l'intervention des conseils généraux ne se limite pas à cela, loin de là. Au-delà de leurs interventions traditionnelles (aides à la construction de logements sociaux et à la politique de la ville, amélioration du parc privé), ils ont élargi ces dernières années leur champ d'action : développement de politiques foncières, soutien à l'accession sociale à la propriété, participation au financement de travaux d'économie d'énergie ou d'amélioration de l'accessibilité des logements aux personnes âgées ou handicapées...
La loi Libertés et Responsabilité locales du 13 août 2004 prévoit explicitement et encourage l'intervention financière des départements et des EPCI indépendamment ou en complément de l'Etat. Ainsi, la circulaire du 23 décembre 2004, qui organise la mise en œuvre des délégations des aides à la pierre, précise que si la participation financière des départements ou des EPCI n'est pas une condition nécessaire à la signature d'une convention de délégation, elle est "naturellement hautement souhaitable". Même chose du côté de la rénovation urbaine : l'Anru apporte des subventions uniquement aux projets qui disposent d'un "soutien marqué" des collectivités locales, "en particulier les départements et les régions".

De la prise de délégation des aides à la pierre à l'augmentation des budgets logement 

A partir d'indicateurs socio-économiques et démographiques, l'étude distingue trois groupes de départements : les départements franciliens, les départements non-ruraux (49 départements sièges de chefs-lieux de régions, fortement urbanisés ou touristiques), les départements ruraux (39 départements).
Près de 30% des départements métropolitains ont signé de 2005 à 2008 une convention de délégation des aides à la pierre, principalement dans les territoires non-ruraux. Pourquoi tous les départements n'ont-ils pas pris la délégation ? Les départements non-signataires évoquent trois motifs : l'attente de la décision des intercommunalités, prioritaires pour prendre la délégation, le trop faible nombre d'habitants concernés hors des communautés urbaines et d'agglomération, mais aussi un refus d'engagement dans un domaine de compétence optionnel. Les prises de délégations sont rares dans les départements ruraux pour trois raisons supplémentaires : les problèmes de logement sont moins marqués, les élus locaux ont privilégié la réhabilitation au développement d'une offre nouvelle et, enfin, certains départements manquent de ressources fiscales pour s'engager en ce domaine.
Il est délicat de connaître les montants apportés en propre par les délégataires à la construction de logements sociaux : si l'on s'en tient aux conventions qui sont, par nature, des prévisionnels, quel que soit le territoire considéré, les aides des départements délégataires sont au moins aussi élevées que celles de l'Etat. Dans les départements franciliens et "non-ruraux", elles représentent 1,5 à 1,6 fois les aides déléguées.
D'après les chiffres du ministère du Budget, en 2006, les dépenses des départements pour la politique logement se sont élevées à 389 millions d'euros. Cependant, ce chiffre ne prend en compte ni les dépenses imputées sur d'autres lignes budgétaires, ni l'intervention foncière. A partir de 20 comptes administratifs départementaux, l'Anil propose une estimation de l'effort budgétaire des départements en investissement aux alentours d'1 milliard d'euros pour 2007. Côté budget de fonctionnement, la décentralisation du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) - qui aide les personnes en difficultés à entrer ou à se maintenir dans un logement - depuis le 1er janvier 2005 a mécaniquement augmenté les montants en jeu.

Aides au parc public : des subventions et des terrains 

Les départements franciliens interviennent significativement sur tous les types de logement, du PLAI au PLS : la bonification des aides selon la catégorie de public concerné (notamment les jeunes), l'anticipation des besoins liés à la dépendance ou au handicap ou le respect des normes de performance énergétique semble se généraliser depuis 2005. Les départements non-ruraux ciblent davantage leurs aides sur les logements aux loyers les plus faibles (PLAI et PLUS). Outre des bonifications semblables à ce qui se pratique en Ile-de-France, ils octroient parfois des aides spécifiques sur certaines zones tendues. Les départements ruraux, pour leur part, privilégient le soutien au développement du parc locatif communal et à la réhabilitation du parc de l'office HLM départemental.
Enfin, le développement d'une politique foncière quasi généralisée est "certainement le fait nouveau le plus marquant de la période 2005-2008". Les rares établissements publics fonciers (EPF) existants avant 2005 étaient pour l'essentiel des EPF d'Etat à échelle régionale. Début 2009, tous les départements franciliens et les trois quarts des départements non-ruraux sont dotés d'un EPF couvrant tout ou partie du territoire départemental. De 2005 à 2008, plus de 15 EPF ont été créés, pour moitié à l'initiative des conseils généraux. En sachant que l'absence d'EPF n'entraîne pas l'absence de politique foncière : dans la Drôme par exemple, un "fond départemental d'action foncière" permet au conseil général d'acquérir des terrains.

Aide au parc privé : réhabilitation, adaptation à la dépendance, performance énergétique  

Le soutien à l'amélioration du parc privé, déjà très développé en 2004, demeure un domaine d'intervention prioritaire en 2008, plus ciblé sur l'adaptation des logements à la dépendance et l'amélioration de la performance énergétique. Depuis 2005, on constate un renforcement des politiques territorialisées, via une contractualisation avec les EPCI (mise à disposition d'un budget habitat dédié au parc privé). Si les aides aux travaux d'amélioration renforcent les aides Anah, elles sont parfois soumises à des critères d'éligibilité spécifiques à la situation locale : zonage géographique, taille du logement, ou encore plafonds de ressources différents des plafonds nationaux.
Si les régions ont souvent joué un rôle précurseur en matière d'aides aux économies d'énergie, en 2008, 30% des départements allouent désormais ce types d'aides à des particuliers. Le rapport présente en détail la nature de ces aides. Enfin, en matière d'accession sociale à la propriété, en 2007 et 2008, une nouvelle génération d'aides a vu le jour, suite à la majoration du pret à taux zéro et la création du Pass-foncier : les aides locales déclenchent les dispositifs nationaux mais des critères plus contraignants qu'au niveau national ont pu être édictés, qui portent par exemple sur le lieu de travail du ménage acquéreur.

Quelles perspectives pour la politique logement des départements ?

Dans un contexte de baisse des ressources liées aux droits de mutation et, plus généralement, de crise économique, les départements ont pu adopter deux attitudes distinctes : soit renforcer leurs aides en accompagnement du plan de relance national, soit centrer leur action sur les publics les plus pauvres.
En conclusion, Béatrice Herbert estime qu'à partir de 2010/2011, avec l'achèvement du plan de relance, le renouvellement de nombreuses conventions de délégation des aides à la pierre et la fin du plan de cohésion sociale, se dessineront les nouvelles politiques départementales. En annexe de ce rapport, le lecteur intéressé trouvera de nombreux états statistiques permettant de comparer finement les politiques menées par chaque département.

Hélène Lemesle
 

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