Quel avenir pour les programmes de renouvellement urbain ?


Le Réseau des acteurs de l’habitat organisait lundi 1er juillet une webconférence intitulée "2026 et après : quel avenir pour les politiques de renouvellement urbain ?" Un évènement qui intervient alors qu’un rapport définitif sur l’avenir de l’Anru, initialement attendu en juin, doit théoriquement être présenté en septembre prochain (voir notre article du 8 février) et que se pose, 20 ans après la mise en œuvre du programme de renouvellement urbain, la question de son devenir à l’aune des difficultés que rencontre le secteur du logement dans son ensemble. Pour Christine Lelévrier, sociologue-urbaniste, professeure à l’Ecole d’urbanisme de Paris (Université Paris-Est Créteil), le programme de renouvellement urbain affiche "un joli bilan" même si "on n’est pas encore sortis du second programme". L’état d’avancement général des projets reste "assez hétérogène" en fonction des territoires, sachant que pour certains d’entre eux, "il reste encore beaucoup de choses à faire avant la fin 2026". Au final, 20% des programmes ont été livrés et 50% ont démarré, précise l’universitaire.

Trois options s’offrent aux maires

"Nous sommes au milieu du gué", résume Patrick Haddad, maire de Sarcelles et membre de l’Association des maires Ville & banlieue de France, qui souligne que le NPNRU "n’a pas pour objectif de reconstituer du logement social là où on en a détruit". C’est davantage à l’échelle de l’intercommunalité, estime l’élu, que l’enjeu doit être pris en compte en intégrant des villes carencées en logements sociaux. Pour cela, il faut convaincre les maires et "entrer en cohérence avec les projets de ville". L’inflation des coûts de production de logement ainsi que celle des énergies n’arrange rien à l’affaire, même avec le soutien de l’Etat : "l’Anru n’a pas prévu de mécanisme d’adaptation des financements en fonction de l’inflation", souligne-t-il. Ce qui laisse trois options aux maires : ajuster les enveloppes à la hausse, abandonner des opérations ou envisager des projets sur un plus long terme.

La démolition de logements ne résoudra pas à elle seule la question de la pauvreté

Quel que soit le bilan que l’on puisse dresser, la politique de la ville, bien que régulièrement critiquée, "a toujours été maintenue sous tous les gouvernements", pointe Christine Lelévrier, qui y voit une forme de "reconnaissance" des difficultés des populations, des inégalités sociales ainsi qu’un outil de redistribution extrêmement important pour les communes, les bailleurs et les habitants - un outil "que l’on nous envie en Europe". La question fondamentale restant : "quels bénéfices en retirent les habitants les plus défavorisés ?" Les effets de la rénovation urbaine sont différents selon les ménages car, estime-t-elle, "ces programmes touchent la fraction la plus aisée des classes populaires". En résumé, la démolition de logements où se concentre la pauvreté ne règle pas le problème de la pauvreté lui-même "car les habitants les plus pauvres sont redirigés vers d’autres quartiers prioritaires de la politique de la ville".

Vu des quartiers, cependant, les programmes de renouvellement urbain créent de l’appétence : "nous avons régulièrement en face de nous des locataires qui n’ont pas bénéficié de ces programmes et qui nous demandent quand viendra leur tour !", explique Marie-Laure Vuittenez, directrice générale d’Habitat et métropole, présidente de la Commission quartiers de l’Union sociale pour l’habitat (USH). Le rejet vient davantage de l’extérieur, confirme Patrick Haddad, maire d’une commune où 70% des quartiers sont classés QPV et qui entend certains regretter "que l’on s’occupe trop des quartiers et pas assez de la ruralité". "C’est donc important de dire que ce que l’on a fait a permis des progrès considérables."

Accompagnement et dialogue avec les habitants

Pour les prochaines phases des programmes de renouvellement urbain, Marie-Laure Vuittenez suggère davantage d’attention au sujet de la réhabilitation des bâtiments existants dans les QPV, en mettant l’accent sur la rénovation énergétique et l’adaptation au changement climatique. Quant à la question de l’acceptabilité du relogement par les publics concernés, Patrick Haddad plaide pour une meilleure connexion entre les bailleurs d’un même territoire, à l’échelle de l’intercommunalité plutôt qu’à celle de la ville. Le déplacement des habitants "n’est jamais facile car il crée des inquiétudes sur les populations relogées", explique Fatima Belouarrak, présidente du centre social La Bourgogne (Tourcoing) et membre du Conseil national des villes. Pour elle, l’accompagnement et le dialogue sont donc des préalables à la réussite de ces programmes.

Appelée à conclure les échanges, la présidente de l’Union sociale pour l’habitat, Emmanuelle Cosse, craint désormais "l’arrêt des politiques de renouvellement urbain car on sent des blocages dans les territoires pour accélérer le rythme du relogement". Sans compter l’évolution de la demande émanant des habitants eux-mêmes en termes de confort, qui renchérit le coût des programmes et qui les rend ainsi "plus difficiles à financer".

Autant de constats qui rejoignent pour une bonne part ceux que formulait un rapport d’évaluation tout récemment publié, coordonné par la direction générale des collectivités locales (DGCL) et réalisé par plusieurs organismes (dont l'Anru elle-même), qui mettait en lumière un bilan chiffré très significatif mais aussi un impact plus mitigé en matière de mixité sociale et d’attractivité (sur ce rapport, voir notre article du 19 juin).

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