Datée du 1er juillet 2024 et mise en ligne le 9, une instruction interministérielle aux préfets sur la mise en œuvre du plan Eau présenté en mars 2023 détaille pour certaines mesures les actions attendues dans les territoires, sous l'impulsion des représentants de l'État. Sur le volet sobriété, "l'objectif posé par le plan Eau est de réduire globalement nos prélèvements d'au moins 10% d'ici 2030", rappelle le texte. Alors que les trajectoires de sobriété adoptées par les comités de bassin ont ensuite vocation à être déclinées à l'échelle des sous-bassins versants, "nous attendons que les préfets coordonnateurs de bassin mobilisent l'ensemble des préfets de leur territoire afin de veiller à ce que chaque sous-bassin se dote d'une stratégie de sobriété en eau", écrivent les sept membres du gouvernement signataires – les ministres Christophe Béchu (Transition écologique), Catherine Vautrin (Travail, Santé et Solidarités), Marc Fesneau (Agriculture), les ministres délégués Frédéric Valletoux (Santé et Prévention), Roland Lescure (Industrie et Énergie) et Agnès Pannier-Runacher, ainsi que le secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité, Hervé Berville. Les préfets de département doivent ainsi "veiller à ce que progressivement, et d’ici 2027, tous les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage), notamment à l’occasion de leur révision, et tous les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) intègrent des trajectoires chiffrées des prélèvements (…)". À propos de ces derniers, le préfet référent d’un PTGE doit s’assurer que la structure porteuse du projet "formalise une feuille de route avec un horizon cible de finalisation sous 2 ans" et "assure un suivi actif de son avancement".
La mesure 30 du plan Eau porte sur le lancement de 70 projets d’opérations phares (10 par grand bassin hydrographique) labellisées "Solutions fondées sur la nature" à des fins de démonstrateurs de lutte contre les sécheresses, en particulier pour la restauration des zones humides, la renaturation ou encore la restauration des cours d’eau, rappelle l'instruction. "Les projets candidats à la labellisation sont des projets financés et sélectionnés dans le cadre du programme d’intervention des agences de l’eau et du budget annuel de solidarité interbassin de l’OFB [Office français de la biodiversité] pour l’outre-mer, poursuit-elle. Chaque bassin proposera une sélection annuelle de 10 à 15 projets qui sera remontée à l’échelle nationale. Parmi eux, 5 projets par bassin seront retenus par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et le jury national en sélectionnera 1 à 2 par bassin et par an, sur la base de l’exemplarité de la démarche présentée. Le jury national se réunira de façon annuelle jusqu’en 2027."
Au niveau régional, les préfets sont invités à "impulser ou renforcer l'engagement des acteurs des filières économiques dans les trajectoires de sobriété et suivre les initiatives en la matière". Il leur est demandé par ailleurs "une action spécifique auprès de 55 industriels identifiés au niveau national parmi les plus gros consommateurs nets". Pour ces sites industriels, il leur est demandé de "mettre en œuvre un accompagnement impliquant l’intervention conjointe des Dreal et des Dreets, ces dernières réalisant notamment l’intermédiation auprès des agences de l’eau mobilisées pour soutenir financièrement la démarche". Toute nouvelle implantation industrielle doit également "s’assurer de la résilience de l’activité envisagée au regard de la disponibilité et de la qualité de la ressource en eau", soulignent les ministres. "Sans allonger la durée d’instruction des autorisations environnementales, le dossier d’autorisation comporte une étude suffisamment approfondie des enjeux hydriques, de la compatibilité de l’activité avec l’évolution projetée de la disponibilité de la ressource et de l’opportunité de recours, à un coût économique acceptable pour la compétitivité du site industriel, à l’usage des eaux non conventionnelles, lorsque la réglementation le permet", rappellent-ils.
Concernant l’expérimentation sur 10 territoires de la mise en place de compteurs équipés de télétransmission, au moins pour tous les prélèvements supérieurs aux seuils d’autorisation Iota (prélèvements en eaux souterraines supérieurs à 200.000 m3/an, prélèvements en cours d’eau supérieurs à 1.000 m3/h ou à 5% du débit et les prélèvements supérieurs à 8 m3 /h en zone de répartition des eaux), les préfets sont invités à faire remonter d’ici la fin juillet des territoires dotés d’une gouvernance de gestion des prélèvements, sur des périmètres hydrogéologiques cohérents (…), susceptibles d’intégrer cette expérimentation (idéalement deux par grand bassin hydrographique)".
Alors que "plus de 2.000 communes ont connu des tensions, voire des ruptures d'alimentation en eau potable lors de la sécheresse 2022, et plus de 439 en 2023", estime l'instruction, il est demandé aux préfets de département de tenir à jour les listes des collectivités ayant connu ce type de situation et des collectivités fragiles, et de "faire l’état des travaux qui ont été réalisés et de ceux qui sont projetés pour sécuriser cette alimentation". Ces mêmes préfets de département doivent également "affiner" et "consolider d’ici fin juillet 2024", en coordination avec les agences de l’eau, la liste des collectivités ayant les moins bons rendements, à partir de celle établie avec les données de Sispea (observatoire des services publics d'eau et d'assainissement) qui ont permis de pré-identifier 171 collectivités "points noirs" sur lesquelles "un effort particulier est attendu".
À l’occasion de toute demande de financement de travaux sur l’eau potable, les préfets devront examiner les indicateurs de performance du service d’eau, "grâce au remplissage de Sispea qu’il convient de consolider". Ils devront aussi informer les collectivités que le remplissage de Sispea est devenu obligatoire pour l’ensemble des collectivités, sans seuil plancher.
Dans le cadre global des stratégies d’organisation des compétences locales de l’eau (Socle) adossées aux Sdage 2022-2027, les préfets sont également invités à poursuivre l’accompagnement des collectivités pour structurer une "maîtrise d’ouvrage mutualisée à la bonne maille territoriale", "afin de consolider des services performants techniquement, ayant les capacités d’investir et délivrant un service durable et conforme aux usagers".
Les préfets sont en outre priés de faciliter l'instructions des dossiers de réutilisation des eaux non conventionnelles, en constituant dès ce mois de juillet un "guichet unique" pour les porteurs de projet au niveau de chaque direction départementale des territoires (et de la mer). Alors que des évolutions réglementaires sont en cours afin de faciliter la valorisation des eaux non conventionnelles, les représentants de l'État devront "veiller à ce que les dossiers de ces projets détaillent les effets sur l’hydrologie des cours d’eau réceptacles initiaux de ces rejets, en adéquation avec les dispositions des Sdage" et à ce que ces projets "n’introduisent pas un risque sanitaire, tant pour les professionnels que pour la population générale et les publics fragiles." Ils sont invités à anticiper d’ores et déjà la parution des textes réglementaires pour aiguiller les porteurs des nouveaux projets dans leurs démarches. Dans chaque département, ils devront également contribuer au suivi national des projets de réutilisation des eaux non conventionnelles autorisés et en cours d’instruction, dans la perspective de la mise en place de l’observatoire national des projets de réutilisation des eaux usées traitées.
Pour renforcer la protection des captages, ils auront notamment à "délimiter le cas échéant par voie d’arrêté préfectoral les aires d’alimentation de captage (AAC) des points de prélèvements sensibles (…) qui seront prochainement définis réglementairement en application de l’article L.211-11-1 du code de l’environnement". Au niveau régional, ils auront à "faire le lien entre les actions de la stratégie régionale "captages" et l’élaboration des Plans de gestion de sécurité sanitaire des eaux (PGSSE), en particulier pour les points de prélèvements sensibles". En lien avec les collectivités chargées des services d’eau potable, "vous veillerez à la mobilisation de l’ensemble des leviers permettant d’accompagner les acteurs, et en particulier d’accélérer les changements de pratiques agricoles", leur demandent les ministres. Il est prévu que les préfets de région rendent compte le 31 décembre de chaque année de l'avancement des actions en faveur de la protection des captages sur les territoires. Au niveau départemental, les préfets doivent "accompagner les personnes responsables de la production et de la distribution de l’eau", en s'appuyant notamment sur les compétences des agences régionales de santé (ARS), dans la mise en place du volet "ressource" des PGSSE à l’échelle des aires d’alimentation de captages.
"La structuration de la gouvernance locale de l'eau doit être poursuivie en s’appuyant sur les dispositions déjà prévues dans les Sdage 2022-2027, notamment dans leurs stratégies d’organisation des compétences locales de l’eau (Socle), poursuit le texte. Ce travail sera conduit sous l’autorité du préfet coordonnateur de bassin, qui organisera les travaux, notamment interdépartementaux, et fera le lien avec le comité de bassin et les régions, en particulier lorsque celles-ci exercent la compétence d’animation et de concertation dans le domaine de l’eau." Il est demandé aux préfets de département de "dresser ou actualiser l’état des lieux des gouvernances existantes en matière de grand cycle de l’eau" ; "faire émerger en priorité les Sage et PTGE identifiés comme 'nécessaires' ou 'prioritaires' dans les Sdage 2022-2027, en concertation avec les collectivités" ; "veiller à ce que se mettent en place sur l’ensemble des territoires des instances de dialogue pouvant préfigurer des commissions locales de l’eau à des échelles hydrographiques cohérentes, c’est-à-dire correspondant aux zonages identifiés dans les Sdage 2022-2027 ou, à défaut, aux périmètres des masses d’eau des états des lieux effectués en application de l’article R.212-3 du code de l’environnement" , les parties prenantes devant y être réunies "avec la vocation à moyen terme de se doter d’un projet politique de territoire organisant le partage de la ressource".
"Nous vous demandons d’encourager une implication active des collectivités et de vous assurer de la bonne représentation et participation de l’ensemble des usagers économiques et non économiques dans les instances locales de l’eau", insistent les ministres.
Enfin, pour l'outre-mer, il est rappelé que la solidarité inter-bassins issue de la redevance perçue par les agences de l’eau apportera 35 millions d'euros/an supplémentaires au plan Eau DOM (Pedom) pour les opérations d’investissement du petit cycle et du grand cycle de l’eau à partir de 2025, et 15 millions d'euros dès 2024, éligibles selon les conditions du programme d’intervention de l’OFB. Dans le cadre de ce plan Eau DOM, les préfets auront à "consolider la gouvernance des collectivités" et à accompagner ces dernières dans la mise en œuvre des projets permis par ces fonds. "À cet effet, 1 million d'euros/an sont prévus pour renforcer l’ingénierie des collectivités", est-il précisé.
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